Daniel Cohn-Bendit: les partis politiques français rêvent d’une majorité qui n’existe plus

Analyse d’un regard indépendant sur le paysage politique français
Ancien leader de Mai 68 et ex‑éurodéputé écologiste, Daniel Cohn-Bendit demeure un observateur attentif de la vie politique française. Pour lui, le premier obstacle réside dans l’idée que les formations pourraient encore former une majorité au Parlement, alors que cette réalité n’est plus d’actualité.
Selon ses mots, l’impossibilité d’établir des compromis, qu’il s’agisse d’un rapprochement entre centre et centre‑gauche ou même entre centre et extrême droite, alimente une impasse institutionnelle durable.
Il ajoute que, si Emmanuel Macron a marqué des points sur la scène internationale, il n’aurait pas « tout à fait compris les rouages de la politique ». Il est notamment d’avis que le président néglige le rôle des institutions intermédiaires, ce qui pourrait affaiblir sa capacité à gouverner dans un pays où la France d’en bas connaît d’importantes difficultés.
Il insiste également sur l’importance des relais locaux et des institutions intermédiaires, estimant qu’une meilleure compréhension de ces mécanismes est essentielle à une action politique pertinente.
Colère sociale et portrait des mobilisations
Sur les mobilisations sociales, l’intéressé relativise l’ampleur des chiffres. « Un million de manifestants, ou 500 000 selon la police, ce n’est pas énorme pour la France », remarque-t‑il, et distingue deux formes de colère. D’un côté, la grogne liée à la tradition de gauche dans la rue; de l’autre, le vote exprimé par le Rassemblement national, qui se traduit par environ 11 millions de voix. Selon lui, la principale dynamique de rejet du système s’est déplacée vers l’extrême droite plutôt que vers une force de gauche.
Sur le fond des revendications, l’ancien député européen se dit partagé : il comprend les difficultés sociales tout en jugeant certaines demandes irréalistes. Par exemple, l’idée de revenir à la retraite à 60 ans est contestée, compte tenu d’une espérance de vie estimée entre 85 et 90 ans, selon lui. Il affirme que, selon lui, aucune force politique n’arrive à insuffler l’espoir ni à porter des réformes crédibles face à une extrême droite en pleine dynamique.
Selon le point de vue de Cohn-Bendit, la capacité des acteurs politiques à proposer des solutions crédibles demeure insuffisante, et cette situation nourrit une défiance qui touche différentes couches de la société.
Europe et souveraineté
Sur le plan européen, Daniel Cohn-Bendit relève une certaine clarté dans la vision du président Macron concernant la souveraineté du pays, tout en notant une critique de sa part sur les aspects procéduraux. Il rappelle que la souveraineté française dépend de la souveraineté européenne, et que l’indépendance du pays est indissociable de la construction européenne.
Propos recueillis par Silvia Garcia.