Jay Kelly : George Clooney en pastiche auto-réflexif au Festival de Venise
Présentation et contexte
Présenté en compétition au dernier Festival de Venise, Jay Kelly s’ouvre sur une séquence de tournage en studio où la caméra s’approche d’une star incarnée par George Clooney, qui paraît souffrir et philosopher sur sa propre disparition. Le film entretient une ambiguïté sur l’identité du sujet, oscillant entre Jay Kelly, le personnage, et l’acteur qui l’interprète.
La production Netflix brouille les pistes en jouant sur cette confusion entre l’acteur et son rôle, sans toutefois atteindre le vertige d’un autoportrait aussi saisissant que celui exploré dans JCVD, où Jean-Claude Van Damme pousse la frontière entre fiction et réalité.
Un périple toscan et une crise existentielle
L’intrigue se concentre sur la crise existentielle d’une star en pleine lumière lorsque son mentor, qui a lancé sa carrière, décède. À l’enterrement, Jay Kelly recroise son ancien colocataire, qui l’accuse d’avoir privatisé un rôle déterminant. Parallèlement, l’artiste cherche à renouer avec ses deux filles.
La cadette, sur le point d’entrer à l’université, choisit Paris pour un festival de jazz avant d’envisager un road-trip en Italie. L’aînée, elle, dote le père d’un regard critique et le qualifie de coquille vide, se demandant si quelqu’un a réellement existé au fond de lui. Confronté à ses limites en tant que père, Kelly accepte de se rendre à un festival obscur de cinéma en Toscane pour un hommage à l’ensemble de sa carrière, après un passage par Paris dans l’espoir de rejoindre sa fille cadette.
Clooney en miroir de Clooney
Le film réunit des éléments qui évoquent sans cesse George Clooney — le café, une publicité pour la vodka tournée en Grèce, l’attrait pour la Toscane, et une éventuelle collaboration avec des figures du cinéma. Des extraits des films réellement tournés par l’acteur ponctuent le récit, clarifiant l’angle sans trancher sur l’authenticité du portrait.
Cependant, le regard du réalisateur Noah Baumbach se limite majoritairement à une mise en scène où Clooney est montré en train d’imiter Clooney, avec ses mimiques et ses tics. Cette approche crée une parodie qui paraît s’emparer davantage de la mythologie personnelle de la star que de son humanité réelle, transformant Jay Kelly en une suite de péripéties centrées sur une célébrité en représentation permanente.
Adam Sandler et le rôle du manager
Le personnage du manager de Jay Kelly, interprété par Adam Sandler, est mis en avant comme l’élément le plus vivant et captivant du film. Cette figure périphérique a investi sa vie au service de la carrière de la star et se distingue par sa singularité et son vécu, jugés plus présents que le protagoniste principal.
Une scène marquante et une conclusion critique
À l’issue des deux heures et dix minutes, une scène persiste dans la mémoire: celle du père dont la chemise tachée de Bolognaise fait passer l’image pour du sang. Cette image est évoquée comme révélatrice d’un film qui prétend éclairer une part du destin de Clooney mais se contente d’exposer une sauce italienne en lieu et place d’un véritable dévoilement.
Note: 2/5
Rafael Wolf/olhor — Jay Kelly, de Noah Baumbach, avec George Clooney, Adam Sandler et Laura Dern. Sortie dans les salles romandes à partir du 19 novembre 2025.