Réarmement du Japon : une ambition budgétaire à 2% du PIB et les incertitudes autour de l’article 9
Contexte et objectif budgétaire
À peine en fonction, la figure conservatrice Sanae Takaichi a promis une hausse substantielle du budget de la défense japonaise, visant 2% du PIB dès l’année prochaine, soit deux années plus tôt que l’objectif fixé par son prédécesseur.
Le renforcement des capacités de défense se concentre notamment sur les drones et les missiles longue portée au sein des Forces d’autodéfense.
Forces d’autodéfense et cadre constitutionnel
Le terme « forces d’autodéfense » est une nuance importante dans l’opinion publique : elles ne portent pas le nom d’armée en japonais, rappelle Constance Sereni, historienne à l’Université de Genève.
Historiquement, la population japonaise est restée attachée à un pacifisme après la Seconde Guerre mondiale. Selon Sereni, le renoncement à la guerre inscrit à l’article 9 de la Constitution demeure une fierté et non une contrainte imposée par les Américains, ce qui peut freiner l’appétit pour un réarmement.
Évolution de l’article 9 et défis
L’ancien Premier ministre Shinzo Abe, assassiné en 2022, était le mentor de Sanae Takaichi. Elle viserait une révision de cet article pacifiste, probablement pour l’élargir sans le dénaturer complètement ; toutefois, l’entreprise reste difficile.
La députée défend le concept de défense collective, qui permettrait d’aider des alliés au nom de l’autodéfense. Dans l’état actuel des choses, l’article 9 empêche, selon Sereni, le Japon d’intervenir si les États-Unis étaient attaqués.
Alliances et diplomatie avec les États-Unis
Depuis sa nomination, Takaichi a multiplié les rencontres, débutant par la visite de Donald Trump à Tokyo fin octobre. Elle veut faire des liens avec Washington une priorité et multiplie les gestes pour gagner la faveur du président américain, qui la rencontrait pour la première fois ; des signes symboliques y figurent, comme une balle de golf plaquée or et du bœuf américain au dîner. Elle aurait aussi évoqué une recommandation de Trump pour le Prix Nobel de la paix.
Selon des analystes, sa gestion des rapports avec les États-Unis a été perçue comme habile par certains, mais critiquée par d’autres qui estiment qu’elle a été trop conciliante envers les Américains.
Renforcement et soutien américain
Le Japon et les États-Unis se fondent sur un traité de défense signé en 1960. Le pays accueille l’un des plus importants déploiements américains à l’étranger, avec environ 60 000 troupes sur plusieurs bases, majoritairement à Okinawa, à environ 600 km de Taïwan.
Les États-Unis encouragent le renforcement des capacités militaires japonaises. Selon Sereni, les forces d’autodéfense constituent l’une des armées les plus coûteuses et restent l’un des meilleurs clients des États-Unis, ce qui explique leur intérêt à voir Tokyo poursuivre ses dépenses militaires.
Propos recueillis par Laurent Huguenin-Elie auprès de Mélanie Ohayon et Elsa Anghinolfi.