Prisons privées et ICE aux États‑Unis : profits, violences et détention migratoire
Contexte et enjeux des prisons privées sous l’ICE
Aux États‑Unis, un grand nombre de centres de détention destinés à l’immigration est géré par des entreprises privées sous contrat avec l’État. L’Immigration and Customs Enforcement (ICE) déclare détenir environ 60 000 personnes dans ces installations.
Récit d’une détenue à Adelanto
Ángela, quarantaine et mère de deux fils, préfère ne pas révéler son nom complet. Originaire du Mexique et propriétaire d’un salon de coiffure, elle est arrivée aux États‑Unis dans les années 1990 sans papiers valides. Après son arrestation, elle a été conduite au centre de traitement de l’ICE à Adelanto, dans l’agglomération de Los Angeles.
Elle affirme avoir passé sa première journée et sa première nuit dans ce qu’elle décrit comme une « chambre froide » ou « congélateur ». On lui aurait aussi demandé de signer un document qu’elle ne comprenait pas et, craignant une expulsion, elle a refusé. Sa demande d’autoriser un appel à un avocat ou à ses enfants a été rejetée. Même après la levée de l’isolement, elle dit que l’incertitude et les conditions alimentaires ont pesé sur elle.
Le modèle des prisons privées et les critiques croissantes
De nombreux centres utilisés par l’ICE sont gérés par des sociétés privées sous contrat avec l’État. Des organisations de défense des droits humains dénoncent la faim, le manque de soins médicaux, la violence et des tentatives de suicide, les accusant de privilégier les profits au détriment des droits humains.
« En 42 ans d’histoire, nous n’avons jamais connu une telle demande pour nos services », a déclaré Damon Hininger, PDG de CoreCivic, lors d’une conférence téléphonique avec les actionnaires.
Les acteurs majeurs et les retombées économiques
Les deux plus grandes entreprises du secteur sont CoreCivic (Tennessee) et Geo Group (Floride). Ces sociétés tirent directement profit des politiques migratoires mises en œuvre par l’administration Trump.
Selon des sources et médias, le cours des actions a évolué fortement autour de l’élection présidentielle américaine: CoreCivic valait 13,19 dollars le 4 novembre 2024, bondissant à 23,94 dollars le 11 novembre 2024, et restant proche de 20 dollars environ un an plus tard. Les demandes d’entretien auprès de CoreCivic et Geo Group par SRF sont restées sans réponse.
Violences et sécurité du personnel
Plusieurs témoignages corroborent des conditions dénoncées comme inhumaines par des anciens employés. William Rogers, ex-surveillant dans un centre privé de l’ICE à Leavenworth (Kansas) de 2016 à 2020, raconte des expériences qui le hantent encore. Il évoque des violences et des blessures impressionnantes, notamment un détenu qui l’aurait frappé à la tête avec un plateau-repas, l’obligeant à reprendre son poste après l’hôpital.
Selon lui, pour maximiser les profits, certains jours ne seraient pas couverts par l’effectif nécessaire, augmentant les risques de violences. Il évoque aussi le meurtre d’un collègue et affirme que, sous l’administration Biden, aucun nouveau contrat avec des prisons lucratives n’a été conclu, ce qui a conduit à la fermeture du centre de Leavenworth en 2021, geste qui pourrait être remis en question à l’avenir.
Selon d’autres témoignages, l’industrie exploite la politique migratoire: il serait possible qu’une part importante des détenus n’ait commis aucun crime, et que des dons importants des opérateurs aient été versés à des campagnes politiques, suscitant des inquiétudes quant à l’influence économique sur les décisions publiques.
Issue et suites pour Ángela
Pour Ángela, le dénouement fut plus favorable que prévu: après une aide juridique obtenue par une organisation non gouvernementale, elle a pu rentrer chez elle après environ deux mois. Sa principale inquiétude restait ses deux fils, sans autre personne pour assurer leur suivi en son absence.